Santé, médias sociaux et méthodes numériques

Dans le champ émergent de la sociologie numérique, on distingue les méthodes créées à partir des fonctionnalités des infrastructures numériques des approches qui consistent à numériser les méthodes traditionnelles des sciences sociales. Dans la perspective de Richard Rogers (2013), les méthodes numériques consistent à réutiliser les traces produites par les infrastructures

numériques (e.g., links, likes, shares) ainsi que les techniques natives à celles-ci (e.g., quering,

crawling, filtering) pour comprendre des phénomènes sociaux. En plus des nouvelles méthodes numériques, un grand nombre de chercheurs et chercheuses adoptent le modèle de la digitalisation en implantant les méthodes traditionnelles au contexte numérique. Entre ces deux extrêmes, il existe de nombreuses approches hybrides. Pour dépasser cette opposition entre méthodes numériques et digitalisation des méthodes, Marres et Gerlitz (2015) proposent l’appellation d’« interface methods » pour désigner les méthodologies inventives qui ne se laissent guider ni par les possibilités offertes par les infrastructures numériques, ni par l’implantation des méthodes traditionnelles dans le contexte numérique. En d’autres termes, les méthodes d’interface requièrent aux chercheurs et chercheuses de constamment adapter les mesures, outils et bases de données à l’objet étudié. Cette adaptation se traduit par une méthodologie « sur-mesure » capable de considérer les fonctionnalités des plateformes numériques dans la conceptualisation du design de recherche, mais sans oublier les acquis méthodologiques des sciences sociales sur lesquelles les méthodes numériques trouvent

souvent racines (Marres, 2017).

Dans ce travail de thèse, je m’intéresse à ces méthodes hybrides et innovantes en proposant de les appliquer à l’étude de la santé sur les médias sociaux. La thèse est composée de cinq articles qui traitent de différentes thématiques de santé, avec différentes approches méthodologiques. Tout d’abord, la première partie de la thèse est composée de deux articles théoriques. Le premier fait l’état des lieux de la recherche sur l’usage des méthodes numériques dans l’analyse de la santé sur les médias sociaux. Le deuxième article donne un aperçu des différentes interventions de santé qui s'appuient sur les réseaux sociaux (numériques ou non) en analysant leurs structures, leurs fonctionnalités et leurs données. La deuxième partie de la thèse est consacrée à des articles empiriques. Parmi ces articles, l’un d’entre eux est consacré à l’étude de la couverture des types de cancer sur les médias sociaux. Un deuxième article traite de la question de la vaccination contre le covid-19 sur Twitter. Enfin, un dernier article s’appuie sur les méthodes numériques, selon l’approche de Richard Rogers, pour étudier la santé en ligne.